Réflexion sur la simplicité
Faire simple

"La moitié de l'éducation conduit à l'ornementation, le sommet de l'éducation conduit à la simplicité"
Lee Jun-Fan
Cette pensée, issue du Tao du Kung-fu, résume parfaitement le début de cette réflexion. En arts martiaux, en photographie, ou en lithothérapie, la sobriété est la clef de l’efficacité, un retour au naturel sans les complications artificielles des pensées parasites. Il faut savoir revenir au simple, à l’essentiel.
Au début de tout apprentissage on agit de manière instinctive, en se fiant à ses perceptions; on pianote en fonction de notre oreille, on cuisine en se basant sur papilles, on choisit une pierre sur un coup de coeur. Puis vient une certaine forme de connaissance, on commence à agir en fonction d’un enseignement, à adopter la perception d’un maître et à étaler nos nouveaux acquis, tout en se concentrant sur cet apprentissage. Dans la philosophie zen on parle de cet état en employant le terme « esprit fixé », le moment où l’on se focalise sur les leçons apprises et sur le but à atteindre. L’erreur trop souvent commise est justement de rester dans cet état transitoire, d’ajouter à nos actions des fioritures qui selon nous font « pro ». En photographie par exemple, cela se traduit par une utilisation abusive des effets numériques ou des techniques artistiques à la mode. Dans les énergies subtiles le constat est, hélas, trop souvent le même.
Inconsciemment nous cherchons à enjoliver nos propos, à les enrober d’un écrin de mots savants et de références parfois redondantes. L’exemple qui me vient le plus facilement est celui de la méditation. Depuis quelques années, les magazines et les émissions nous assènent des méthodes de relaxation miraculeuses, qui grâce à des techniques pluri-millénaires enseignées par des experts aux noms imprononçables et aux diplômes indéfinissables, nous permettent de guérir de tout (voir de n’importe quoi). Cela passe ensuite souvent par l’achat d’une tenue de yoga, d’un tapis, de musique relaxante, d’encens, etc… . C’est là le paradoxe, nous compliquer la vie pour quelque chose censé nous apaiser, nous créer des barrières autour de barrières. Et pourtant, finalement si l’on y réfléchit un tout petit peu, méditer consiste simplement à prendre du temps pour soit, pour se retrouver et penser à nos actions, et pour ça il n’y a pas besoin de techniques particulières ou d’accessoires bariolés, il suffit de s’allonger dans l’herbe, de nager, d’écouter de la musique, ou pour certains de déguster un café en terrasse. Chacun est différent, la technique ne peut être unique. En se focalisant sur les techniques on oublie de s’écouter, de ressentir, de s’ouvrir à soi.
Comprendre et assimiler
L’apprentissage est néanmoins nécessaire, il nous aide à progresser, mais il faut le considérer comme une étape plutôt que comme un but. Le but doit être d’assimiler ces techniques pour se les approprier, pas de devenir un simple copié-collé de notre enseignant. Un pianiste va apprendre le solfège, puis son maître va lui enseigner une manière de placer ses mains, au fur et à mesure des répétitions il va assimiler la technique, en travaillant inlassablement les gestes vont devenir une seconde nature pour lui. Il va commencer à se défaire de la technique pour revenir à un état plus instinctif, les mains voleront sans y penser, sans réflexion ni fioritures. A partir de ce moment, et sous réserve de continuer à travailler, l’artiste se libère de son maître, il ne devient pas supérieur ou inférieur, mais simplement différent.
Il faut savoir faire sien les pensées et les techniques pour pouvoir mieux les comprendre et mieux les utiliser, pour qu’elles nous correspondent mieux. Répéter les phrases de quelqu’un d’autres, avec les mots qui ne sont pas les nôtres sonne faux même à nos oreilles, bien sûr lorsque l’on cite une maxime on ne s’assimile pas à son auteur, mais chacun est libre de l’interpréter différemment, ce qui crée justement la richesse de l’âme humaine. C’est le principe même du symbolisme, des choses simples que chacun peut voir à sa manière : un cheval reste un cheval, mais il va évoquer tantôt la force, tantôt la liberté, tantôt la beauté.
Ce concept est parfaitement représenté dans le bouddhisme. Lors de mon apprentissage, j’ai eu le plaisir de lire les textes de maître Takuan (1573-1645), le passage qui m’a le plus marqué consiste en une question toute simple qu’il posait à ses disciples : « Quelle est la vérité ultime de la loi du Bouddha ? ». Aucune réponse ne fut la même, aucune ne fut bonne ou mauvaise, mais chacune fut personnelle. On lui répondit « une branche de prunier » ou « un cyprès dans le jardin ». Simplement la beauté et la vie, avec un reflet de la nature de l’élève. Comprendre sans fermer son esprit, assimiler et adapter.

L'application à la lithothérapie
La lithothérapie, comme toutes les énergies subtiles n’échappe pas à la complication à outrance, souvent pour masquer un vide par une explication alambiquée. Les auteurs sérieux dans cette discipline feront précis et concis, avec des mots simples. Aller à l’essentiel permet une meilleure efficacité, identifier le problème et trouver une solution, voilà ce que l’on attend d’un lithothérapeute. Le problème peut être une méconnaissance ou une mauvaise utilisation d’un minéral, il convient alors d’adapter le propos, lorsque notre intérêt pour les énergies subtiles grandit il arrive d’oublier que tout le monde n’en connait pas les codes et le vocabulaire. Savoir faire simple pour expliquer la purification est essentiel, il existe une infinité de manières de purifier les pierres, le néophyte peut alors avoir du mal à s’y retrouver au milieu de la sauge, du bol tibétain, du plein soleil ou de la pleine lune. Et là encore il convient d’écouter le praticien autant que soit même, il vous livre les informations pour faire votre choix, il peut vous aiguillonner, mais pas choisir à votre place, le choix de la méthode de purification doit se faire en fonction de sont ressenti, sans tenir compte des milliers d’avis qui peuvent fleurir sur les réseaux sociaux. Idem, un néophyte qui choisit une pierre va simplement la choisir au ressenti ou au visuel, en approfondissant, il va prendre ne considérations des théories sur le poids, la couleur ou le type de pierres. Oligothérapie, chromatérapie, élixir minéraux, etc… autant de termes qui apparaissent confus au débutant enthousiaste, qui se met à étudier la composition minérale, à mesurer la pierre en fonction de l’espace ou choisit sur la recommandation d’un magnétiseur. Ce temps d’assimilation peut être long, mais un jour, on se rend compte que les choix que l’on faisait à l’époque étaient les bons et qu’ils sont désormais affinés par l’expérience. On choisit toujours une pierre rouge pour l’énergie et la circulation sanguine, mais on sait désormais faire son choix entre un grenat, un jaspe rouge ou un rubis, car on a affiné sa perception et on est plus à l’écoute de soi.
Le plus bel exemple de ce concept appliqué à la lithothérapie est la simplicité du Shivalingham. Une forme agréable, naturelle, symbole de vie et d’élévation spirituelle. Ils sont tous différents, en choisir un prend parfois longtemps car on ne peut se fier à aucun discours ou aucune recommandation, le Shivalingham possède énormément de propriétés, s’utilise de multiples façons, en faire une analyse consciente serait très compliqué. Pourtant instinctivement sa forme nous attire (ou nous repousse) et lorsqu’on le prend en main on ressent sa force. Savoir l’utiliser ou le placer nécessite un apprentissage, mais à la fin on le prendra pour ce qu’il est, un compagnon minéral sur lequel on passe la main pour apprécier sa douceur et recharger son énergie.
Simple et sans fioritures, sobre et efficace, d’utilisation instinctive malgré sa complexité, le minéral parfait pour résumer la philosophie zen pour laquelle la beauté naturelle n’a pas besoin d’artifices.

"Les paroles dont la simplicité est à la portée de tout le monde et dont le sens est profond sont les meilleures."
Mencius
